LES EXILS DE CHEIKH BAMBA AU GABON
Article mis en ligne le 23 octobre 2009

L’internement était une mesure d’ordre administratif et politique différent des sanctions judiciaires. Il différait de l’indigénat, qui frappait de sanctions légères les indigènes c25oupables d’infractions vénielles, en ce sens qu’il permettait de mettre hors d’état de nuire les sujets ayant contribué à troubler gravement l’ordre public, s’étant insurgés contre l’autorité de la France ou ayant refusé de mettre leur influence au service de l’administration.

L’internement était donc un procédé de terreur. C’était une arme terrible qui ne reposait sur aucun principe juridique. Il autorisait la répression de tous les faits qui tombaient ou non sous le coup d’un texte. C’était tout simplement « la survivance d’une mesure de guerre destinée à réprimer tous les faits non qualifiés par la loi de nature à troubler la sécurité publique ou à compromettre la domination française ». Les victimes de l’internement étaient déportés dans des lieux spéciaux qui ne dépendaient ni de l’administration pénitentiaire, ni de l’administration militaire. Par cette mesure l’administration entendait créer chez l’indigène un climat permanent de peur pour lui enlever toute idée de vouloir se soustraire à la domination coloniale. En face d’une si monstrueuse iniquité, les victimes n’avaient aucun moyen de défense. La procédure était sommaire et secrète. Le dossier n’était pas communiqué à l’intéressé si bien que l’indigène, si innocent qu’il fût, pouvait à tout moment être arraché à sa famille et envoyé au dépôt des internés du Gabon. Ce fut le sort réservé à Cheikh Bamba lors de la séance du Conseil privé du 5 Septembre 1895. L’arrestation de Cheikh Bamba était motivée par les plaintes du "bour Ndiambour"28, et des diverses informations fournies sur lui par les agents de renseignemnt. Faute de chefs d’accusation irréfutables, le Conseil privé réunit en faisceau les rumeurs glanées çà et là contre Cheikh Bamba pour en faire des preuves. L’influence considérable dont il jouissait de Saint-Louis à la Gambie constituait une menace pour la sécurité des possessions françaises. S’y ajoutaient les agissements de ses talibés qui troublaient par leurs prédications la tranquillité du pays. Pourtant la mission de l’administrateur Leclerc au Jolof, même si elle s’était terminée par l’arrestation du marabout et d’un certain nombre de ses disciples, n’avait pu « relever contre Bamba aucun fait de prédication de guerre sainte bien évident ». Mais on pensa que son attitude, ses agissements et surtout ceux « de ses talibés étaient en tous points suspects ». L’administration lui reprocha d’avoir quitté le Kajoor après la mort de Lat Dior alors qu’il était de notoriété publique que le marabout n’entretenait que des rapports orageux avec le damel qui avait osé réduire en servitude des disciples du marabout Ahmadou Cheikhou. On lui fit grief de s’être établi alors au Bawol où le pouvoir était en déliquescence. Pour le Conseil, le choix de cette nouvelle résidence s’expliquait par son intention de remplacer le roi de ce pays Thieyacine Fall « tiédo brutal et ivrogne dont l’autorité n’était plus soutenue que par quelques favoris qui profitaient de ses vices pour razzier constamment la population. Bamba pouvait donc espérer prendre en main la direction de la partie musulmane de la population, déposer Thieyacine devenu insupportable et lui succéder ou si la chose n’est pas possible, placer du moins à la tête du Baol un chef acquis à ses idées et à ses intérêts ». Cette façon de voir ne doit pas surprendre chez des gens pour qui l’acquisition des richesses matérielles l’emporte sur l’esprit. Dans tous ses écrits le marabout n’avait jamais cessé de dire que la finalité de l’action était la formation de l’être proprement humain, spirituel. Son souci était de développer chez les musulmans les valeurs morales, la pureté des moeurs, la noblesse des sentiments et non de conquérir un pouvoir politique qui souvent enracine les dirigeants dans un amoralisme corrupteur. L’administration lui tint rigueur du fait que sa résidence au Bawol n’était pas éloignée de celle de Tanor qui assassina en 1887 Minet, aide de camp du gouverneur. Cet argument manquait de sérieux. En effet avec la certitude que seul Tanor, musulman convaincu, était capable de domestiquer les tiédos du Bawol, le gouverneur Clément Thomas le nomma tègne c’est-à-dire roi du Bawol. Si ce chef n’était pas recommandable, on s’explique mal que l’autorité suprême de la colonie lui accordât le soutien qui lui permît d’être roi et ce, en violation des dispositions de la constitution coutumière de ce pays. Et jusqu’à sa mort en 1894 le gouverneur avait toujours donné des appréciations positives sur son règne. Malgré la faiblesse des chefs d’accusation retenus contre le marabout le conseil se mit néanmoins à épiloguer sur le choix du site de Touba et sur les noirs desseins qui l’auraient conduit à une pareille option. « L’endroit était bien choisi, à l’extrême est du Bawol, sur la frontière du Djolof, en dehors de toute voie suivie sur les confins du Ferlo à distance du Toro, du Rip et de la Gambie. Le marabout pouvait rapidement se porter sur les lieux où l’aurait appelé tout mouvement politique ou religieux. De même en cas d’alerte, la fuite lui était possible à travers les plaines et les forêts du Ferlo soit vers la haute Gambie et le Fouta Djallon, soit vers le Rip ou Bathurst où il aurait trouvé notre vieil ennemi Saer Maty avec lequel il entretenait des relations suivies ». Point n’est besoin de revenir sur le caractère spécieux de cette argumentation qui laisse par ailleurs apparaître une méconnaissance totale de l’islam confrérique dont l’ambition était de faire des adeptes des musulmans authentiques. Abstraction faite des explications mystiques fournies par le marabout pour le choix de sa nouvelle résidence, il avait senti la nécessité de se démarquer de ses prédécesseurs qui, du fait de leur inféodation au système politique, furent incapables de conduire une action d’islamisation conséquente. De Touba, nette de toute souillure, il pouvait faire un grand centre d’éducation d’où essaimeraient ceux qui, par la suite, prendraient en charge la formation des jeunes générations, la réorganisation de la société selon des normes islamiques afin de faire des Sénégalais un peuple de Dieu. A tous ces griefs Cheikh Bamba répondit en accomplissant une prière dans la salle du Conseil et en remettant au gouverneur la sourate Likhlass relative à l’Unicité de Dieu. De cette manière il réaffirma sa conviction que quelles que puissent être la force et la puissance d’un pouvoir terrestre, il ne pouvait se comparer à celle de Dieu. L’éminente autorité d’Allah fait de lui le seul vrai souverain. L’homme est donc créé pour l’adorer et l’attester seigneur unique. Selon cette sourate Dieu est un en lui-même sans aucune analogie avec les créatures. L’attitude logique de la création est adoration parfaite de Dieu. Bien sûr, quand le fidèle se proclame esclave d’Allah il ne doit plus accepter de devenir l’esclave d’une autre créature. Ainsi apparaissaient avec netteté le refus total du marabout d’accepter le fait accompli de la domination française quelles qu’en fussent les modalités, mais aussi la volonté constante de l’administration française d’obtenir de tous les indigènes obéissance que lui conférait sa prépondérance. Dès lors aucun compromis n’était possible. Tout en reconnaissant que Cheikh Bamba était en réalité innocent34 de tous les griefs retenus contre lui, on n’en décida pas moins de l’exiler au Gabon pour quelques années. Par la même occasion on intima à ses disciples, à ses cheikhs ou serignes l’ordre de se disperser et « d’avoir à réintégrer leurs villages d’origines et de ne plus s’en absenter que sur l’autorisation de » l’administrateur. Quant aux anciens guerriers de Lat Dior et de Albouri on envisagea de les envoyer au Waalo sous la surveillance du chef de province Yamar Mbodj. Ainsi donc sur la base de simples présomptions, le gouverneur prit la décision d’exiler Cheikh Bamba au Gabon. Il ne revint au Sénégal que le 8 Novembre 1902. Mais contrairement à ce que pensait l’administration coloniale en prenant une telle mesure, l’absence du marabout du Sénégal ne lui laissa nullement le champ libre pour la transformation du pays. En effet tous les cheikhs qui avaient reçu l’initiation du cheikh s’attelèrent avec une grande dévotion à l’oeuvre d’islamisation de leurs compatriotes et de régénération de la société.-----

Ils travaillèrent donc à faire accepter à leurs adeptes les principes qui devaient servir d’armature à la société islamique. Convaincus que l’islam était l’expression universelle de toutes les vérités et de toutes les lumières, ils leur firent comprendre le devoir sacré de marcher avec le monde, de développer à l’infini toutes leurs facultés intellectuelles et morales. On leur apprit leurs droits et leurs devoirs. Pour les aider à mieux prendre connaissance de ce qu’ils étaient et de ce qu’ils pouvaient devenir, l’accent fut mis sur la lutte contre les vices qui avaient pour noms : médisance, calomnie, perfidie, mensonge, parjure, fausseté, fanatisme et turpitude. En leur inculquant aussi le sens du devoir et de la responsabilité, on éveillait en eux le sentiment du Mal et du Bien avec les sanctions de leurs actes dans l’au-delà. Bref les cheikhs conformément à l’enseignement du maître déployèrent des trésors d’énergie pour faire, des jeunes comme des vieux disciples, des personnes de prix infini capables de développer en elles ce qu’il y avait d’immortel. Ce fut une véritable révolution chez les membres de l’ancienne aristocratie habitués à vivre de parasitisme aux dépens des roturiers. On leur apprit que selon l’enseignement de Cheikh Bamba « L’orgueil est le plus grand des vices parce qu’il entame la foi de l’adorateur ». Ils n’étaient donc supérieurs à personne car ils ignoraient « comment finirait leur vie et quelle serait leur destinée demain ». Ces néophytes comprirent enfin qu’il n’était pas indigne d’un homme, quel que fût son statut social, de gagner sa nourriture à la sueur de son corps et par le travail de ses mains. Ils acquirent progressivement la religion de l’effort car ils finirent par se rendre compte que seul l’amour du travail pouvait leur permettre de créer la personnalité appropriée à leurs besoins. Bref les grands disciples de Cheikh Bamba étaient parvenus tant bien que mal à imprégner les convertis de l’esprit de l’islam. Ce qui commença à provoquer des modifications dans les comportements sociaux. Dans les zones d’implantation mouride on constata des conduites effectivement musulmanes. Les musulmans de toutes origines trouvèrent dans la confrérie un cadre nouveau leur permettant d’agir, de se diriger jusqu’au moment de quitter la terre pour l’au-delà. Dès lors on comprend sans peine la ferveur avec laquelle ses disciples accueillirent son retour d’exil. Chez cet homme qui considérait la soumission à Dieu comme la plus noble des servitudes, la fin de cette première étape, sur le calvaire de ses persécutions, n’était due qu’à « l’intervention de Dieu supérieure à celle des Français »40. Etabli à Touba, il consacrait son temps à la lecture du Coran, aux dévotions religieuses, à la rédaction de ses poèmes et à l’enseignement. Mais comme en 1895 sa grande renommée de sagesse, la pureté de sa vie drainèrent vers Touba tous ceux qui désiraient boire à sa source. La plupart d’entre eux ne faisaient pas mystère de leur hostilité vis-à-vis de l’administration coloniale. Les rapports des chefs de canton, de province, repris et amplifiés par les commandants de cercle, parlaient de la grande effervescence qui s’étendait des rives du Sénégal à celles de la Gambie. « Des pèlerins venaient nombreux offrant au marabout des armes, des chevaux, de l’argent... -----

Le voisinage de nombreux thiédos, anciens guerriers sans emploi, permettait de craindre qu’ils ne cherchassent, même en dehors de tout fanatisme religieux, à profiter de cette situation pour entreprendre leurs exactions sur le pays ». Ces craintes n’étaient nullement fondées, car de tout temps, l’objectif de Cheikh Bamba était d’amener les musulmans à se soumettre avec sincérité à l’empire de la loi de Dieu, de conformer leurs actes et leurs pensées à l’enseignement du Coran et des traditions de Mouhammed. Bien sûr que la soumission absolue à Dieu dispensait le croyant de reconnaître une autorité autre que musulmane. C’était cette disposition d’esprit constatée chez les adeptes du marabout que l’administration entendait éradiquer par un nouveau bannissement. L’occasion lui fut fournie par l’incident qui l’opposa en 1903 à MBakhane Diop fils de Lat Dior et chef de la province du Bawol oriental. Lors de la visite rendue à Darou Salam à Mame Cheikh Anta, petit frère du fondateur de la confrérie mouride, Mbakhane avait reçu de son hôte un cadeau de 5 000 F somme énorme à l’époque puisque le salaire annuel d’un chef de canton n’était que de 500 F et un instituteur en fin de carrière ne percevait pas plus de 2 000 F l’an. Si l’autorité de Saint-Louis apprenait que Mbakhane avait été gratifié d’une pareille somme, elle n’aurait pas hésité à la taxer de trahison d’autant plus que ses relations avec le résident de Sambé étaient souvent orageuses. Craignant la révocation, Mbakhane, nous dit la tradition, chercha à procéder à la liquidation physique de Mame Cheikh Anta qui put trouver refuge à Saint-Louis41. Mbakhane décida d’apaiser sa colère sur Cheikh Bamba pour donner par la même occasion preuve de son loyalisme à l’endroit de l’administration coloniale et effacer du même coup les rumeurs de corruption qui souillaient son nom depuis son séjour dans le village de Mame Cheikh Anta. Le 17 Avril 1903 Mbakhane Diop se rendit à Touba résidence du marabout pour lui faire des observations sur la situation grave que ses adeptes avaient créée dans la province. Cheikh Bamba lui fit répondre que l’adoration d’Allah et l’éducation religieuse de ses adeptes étaient des préoccupations trop sérieuses pour qu’il pût distraire son esprit vers des futilités. Dès son retour à Sambé, Mbakhane fit son rapport à l’administrateur de Thiès qui préconisa l’éloignement du marabout du Sénégal après qu’il eut également refusé de répondre à la convocation du résident de Diourbel lui répondant qu’il était « un captif de Dieu qui se suffit de son maître... Que la paix soit avec celui qui marche dans le sentier droit ». Il ajouta qu’il était « le captif de Dieu et ne reconnaissait d’autre maître que lui et ne rendait hommage qu’à lui seul ». Cette position de principe perçue comme un signe de rébellion contre l’autorité française trouvait son fondement dans la profession de foi musulmane et permettait à tout croyant de conserver la maîtrise de sa liberté malgré toutes les brimades dont il était victime. Ignorant tout des subtilités de la théologie musulmane, l’administration coloniale s’en tint à la lettre de cette affirmation et opta à nouveau pour la répression. Mais du moment que toute mesure d’exil devait avoir l’approbation de Paris, l’administrateur de Thiès et Mbakhane s’attachèrent à collecter tous les faits et gestes du marabout et des adeptes pour les réunir afin d’en faire des preuves irréfutable du danger réel qu’il constituait et de la nécessité de l’éloigner de la région4. Bien stylés par Mbakhane Diop, les chefs de canton de Ndiéte, du Ndogal, du Lah se plaignirent de n’être plus obéis, ni écoutés par les nombreux marabouts domiciliés dans leur circonscription. Leurs ordres n’étaient plus exécutés car l’autorité de Cheikh Bamba s’était substituée à la leur. Par l’exaltation de leur foi, le soufisme qu’ils pratiquaient, les adeptes du marabout étaient à craindre. A tout moment ils pouvaient créer des complications aux conséquences graves. De leur côté les peuls de Kontor, de Kaél affirmèrent que Bamba se préparait à repousser le cas échéant la force par la force. Ils évaluaient à 7000 personnes ses adeptes qui se trouvaient à Mbacké. Les propos de ces Peuls se comprenaient car ils ne souhaitaient pas avoir dans leur voisinage des agriculteurs qui leur disputeraient la possession de leurs terrains de parcours. C’est avec joie qu’ils auraient appris toute nouvelle leur annonçant l’éloignement du marabout de leur zone d’activité.-----

Pour vérifier la véracité de ces accusations le gouverneur dépêcha auprès du marabout un espion nommé Oumar Niang avec mission de voir si des armes étaient stockées dans sa résidence de Touba et de sonder les gens de son entourage sur l’attitude qu’ils adopteraient si Cheikh Bamba était l’objet d’une arrestation. L’espion fut reçu par le marabout à qui il donna 50 francs sur les 300 francs qui lui étaient remis et qu’il devait utiliser à bon escient pour des cadeaux aux grands dignitaires à qui ils pourraient arracher quelques confidences sur l’état de leurs préparatifs pour leur éventuel soulèvement. Le marabout ordonna à un talibé de prendre l’argent et de le distribuer aux mendiants. Puis il fit comprendre à Oumar Niang qui disait vouloir devenir son adepte : « pour être mon talibé, il faut suivre Dieu et son prophète. Tous ceux qui prétendent être mes talibés et qui ne confessent pas comme il faut la religion mentent. Quiconque donnera 5 francs pour Dieu sera récompensé. J’ai fait des conditions avec Dieu. Même si le Mahdi descend sur terre, je ne l’aiderai pas. Je ne tuerai ni scorpion, ni serpent ni âme qui vivent. Avec la route que j’ai prise, il m’est de tirer des coups de fusil. ... Si je prends des armes ma mission sera perdue ». Le marabout fit ainsi justice de toutes les rumeurs malveillantes que ses ennemis distillaient dans le pays pour mettre en doute l’authenticité de sa mission. Pour lui les splendeurs terrestres étaient illusoires ; que c’était folie que de s’y accrocher. Mais par delà le contentieux qui l’opposait à Mbakhane, le marabout était perçu par le colonisateur comme l’obstacle le plus coriace à la réussite de son oeuvre d’assimilation. Depuis son retour du Gabon on assistait à une recrudescence du zèle religieux. Sa piété exemplaire, sa science immense, la sainteté de sa vie lui attiraient des adeptes non seulement au Sénégal mais encore en Mauritanie. Les marabouts qui se réclamaient de sa confrérie exaltaient chez leurs talibés les aspects par lesquels l’islam s’opposait au christianisme. Leur action s’exerçait en dehors des réseaux tracés par l’administration. Chaque jour le nombre des prosélytes augmentait du fait des prédications de talibés itinérants qui parcouraient le pays répandant des bruits extraordinaires sur la puissance et la gloire de Ahmadou Bamba. Tous les faits et gestes relatifs au marabout étaient amplifiés pour inciter, à se rallier à la confrérie, tous ceux que tenaillait l’angoisse de leur salut. Dans les conversations il était dit qu’il ne craignait plus les Européens que les fusils ne pouvaient partir. Ainsi il était devenu la personnalité unique sur laquelle se concentrait toute l’attention publique. Tout ceci pouvait, selon l’administrateur Vienne, déboucher sur la création d’une "puissance religieuse indépendante" qui pourrait arriver à contrebalancer l’autorité française. L’hostilité des mourides vis-à-vis de l’administration coloniale était incontestable car ils refusaient de reconnaître l’autorité des résidents, des administrateurs, du gouverneur et de leurs collaborateurs les chefs locaux. L’islam était leur bouclier protecteur contre les mesures aliénantes du conquérant. C’est pour cela qu’on les gratifia de toutes sortes d’excès dont la sanction devait être le bannissement du marabout. Son refus de répondre aux convocations du commandant de cercle de Thiès et du gouverneur fut considéré comme un acte de rébellion pour justifier son exil en Mauritanie en Juin 1903. Le 13 Juin 1903 un détachement de 150 tirailleurs et de 50 spahis, aidé des contingents des chefs indigènes, fut mis en route pour procéder à l’arrestation de Ahmadou Bamba. La mobilisation de forces si importantes était commandée par l’extrême gravité de la situation contenue dans les rapports jusqu’alors parvenus à Saint-Louis qui n’eut pas la sagesse de leur enlever leur coefficient d’exagération naturel à toute littérature qui veut perdre un ennemi. On disait que l’arrestation du marabout aurait pour effet de soulever ses partisans qui en viendraient aux mains avec les gens de Mbakhane48.

Parmi les troupes des chefs locaux qui épaulaient les troupes régulières, se trouvaient celles du Bur- Sine Koumba Ndoffene II. A l’entrée de Darou-Salam où se trouvait Cheikh Bamba, il demande à Allys de le laisser aller seul parler au marabout. Dès qu’il fut reçu dans la concession, il ôta ses sandales, se mit à genoux, enleva son bonnet et salua le cheikh. Puis il l’invita courtoisement à le suivre auprès de Allys tout en soulignant qu’il le savait innocent de tous les chefs d’accusation dressés contre lui. Le cheikh le suivit chez le chef de la colonne devant qui il réaffirma son innocence Koumba Ndoffene avait agi ainsi parce qu’il se savait grand et ne croyait rien perdre de sa grandeur naturelle en adoptant l’attitude qui lui paraissait juste envers le marabout. Ainsi il rendit à l’innocence du marabout le plus brillant témoignage.Au moment où Koumba Ndoffene s’acquittait de sa mission avec bonheur, Mbakhane pillait le village de Darou Salam sous prétexte de saisir les armes et les munitions qu’on y aurait cachées. Il s’empara d’un énorme butin que le gouverneur général le contraignit à rendre à leurs légitimes propriétaires.----- A son arrivée à Saint-Louis le gouverneur lui notifia sa décision de l’exiler en Mauritanie « où il résiderait chez Cheikh Sidya et devrait éviter toute communication avec la région qu’il avait troublée ». Par cette mesure le gouverneur pensait avoir administré la preuve qu’il disposait de moyens pour couper court à toute tentative de résistance à son autorité. Il se trompait car l’éloignement de Cheikh Bamba, au lieu d’intimider ses adeptes et leur inspirer le respect de l’administration, ne fit qu’approfondir davantage le fossé qui les en séparait. La population manifestait avec une virulence toujours de plus en plus affirmée son hostilité vis-à-vis du conquérant. De tout le pays partaient de nombreux envois de dons vers Sou-et El Mâ où résidait le marabout. La persécution du marabout et ses adeptes fit de la confrérie mouride le merveilleux foyer religieux local où se groupèrent les populations avec toutes leurs forces morales, sociales, juridiques qui permirent de résister avec efficacité au régime colonial. L’autorité des Cheikh mourides se développa au détriment de celle de l’administration et de ses auxiliaires indigènes. L’islam, dans sa forme confrérique, fut alors comme une ligne de défense qui mit les adeptes à l’abri des contaminations. Convaincus de posséder le vrai, ils ne craignaient nullement ce pouvoir omniprésent qui les avait investis de toutes parts. Par leur détermination ils amenèrent l’autorité française à constater l’éternelle puérilité des mesures persécutrices, surtout quand elles touchaient aux choses de l’esprit. Aussi se résigna-t-elle en 1907 à ramener au Sénégal le cheikh. Celui-ci et des disciples, en fortifiant le peuple contre les vices et l’autoritarisme colonial qui étaient à l’origine de la détresse de la société, avaient de ce fait « pris la relève de l’identité blessée » ! Leur patrie vaincue devait reprendre le chemin de sa marche éternelle.

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